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Pendant le confinement, Geoffrey Gaquère n’a pas fait de pain, mais il a appris à concocter quelques recettes. Le directeur artistique d’Espace libre n’est pas non plus allé en Gaspésie. Et s’il a regardé de nombreux points de presse des autorités, en juin, il avoue avoir quelque peu décroché depuis.
Et vous ? « Avez-vous fait du pain ? L’avez-vous mis sur Instagram ? Vous êtes-vous senti utile, en linge mou, à écouter Netflix ? »
C’est le genre de questions que poseront les membres de la compagnie DuBunker, dans le cadre du spectacle d’ouverture de cette saison chamboulée. Fini Netflix « en mou », direction le parc Walter-Stewart où, du 20 au 24 septembre, la création Ensemble servira à sonder 46 spectateurs par soir sur « l’expérience collective et individuelle de la COVID ».
C’est ce même nombre de personnes qui pourra désormais entrer dans « l’espace d’Espace libre » en toute sécurité (sur les quelque 160, voire 200 spectateurs habituels).
Des chaises en plastique remplaceront les banquettes amovibles.
Ce sera intime, assurément. Excitant, sans contredit. Mais également, non viable financièrement à trop long terme, précise Geoffrey Gaquère. Car les pertes de billetterie s’accumulent. Le directeur artistique les estime, depuis le début de la pandémie, à environ 150 000 $.
« En ce moment, le ministère de la Culture et des Communications et Patrimoine canadien discutent pour voir si les organisations seront dédommagées ou non pour ces pertes. Tant que l’un ne s’engage pas, l’autre ne s’engagera pas non plus », confie celui qui siège également au conseil d’administration du Centre québécois du théâtre.
Mais pas le temps d’attendre que la « partie de ping-pong » gouvernementale aboutisse pour faire un show. La programmation a beau avoir été modifiée, on dirait presque qu’il s’agit d’une saison « normale » d’Espace libre.
En effet, on y trouve le style, l’audace et les questionnements qui font la signature des lieux.
On pense notamment à In Da Club, une adaptation féministe queer de La double inconstance de Marivaux, clin d’œil à 50 Cent en prime. « À travers ce texte, les filles de la compagnie Pleurer dans la douche nous parlent de harcèlement, de consentement, de sexisme, d’abus de pouvoir », dit le directeur artistique.
Points de repère
Autre classique de l’institution de la rue Fullum : La LNI s’attaque aux classiques, justement. Même si c’est en plein air, cette fois, que seront revisitées et improvisées les œuvres d’Evelyne de la Chenelière et de Michel Tremblay.
Parmi les autres points de repère familiers : la présence de ces fidèles collaborateurs que sont Stéphane Crête et Didier Lucien. Le fruit de leur méditation s’intitule Teatr Inferis et sera présenté en salle, fin novembre.
Le concept des complices, auxquels Geoffrey Gaquère a donné carte blanche ? « Ils sont enlevés par des êtres qui viennent d’un autre monde et qui les obligent à faire du théâtre. Exactement l’opposé des premiers mois de la COVID où on nous interdisait de faire du théâtre. »
Cette étude sur l’impératif de la création, et sur la place que l’on accorde à la culture dans notre société, sera bien entendu agrémentée, promet le codirecteur général, de « leur humour habituel et irrévérencieux ».
« On a décidé de conserver tout ce qui fait le mandat, la nature et l’ADN d’Espace libre », ajoute celui qui est en poste depuis six ans.
De cet ADN fait aussi partie le NTE (Nouveau théâtre expérimental), qui proposera une conclusion au triptyque qu’il avait entamé avec ses savoureux Animaux (véritables poules, microcochon et poissons inclus) et Bébés (véritables bébés inclus).
Pour l’instant présentée en formule laboratoire, l’œuvre parlera cette fois non pas de bêtes ou de nourrissons, mais bien… de morts. Le directeur artistique ne sait pas encore sous quelle forme ces derniers seront présents sur scène (!).
« Je suis vraiment content que, malgré l’adaptation de cette saison qui a dû se faire sur un 10 cennes, on touche à des enjeux névralgiques. »
Il mentionne notamment Violette, pièce pour un spectateur à la fois « presque destinée à la COVID », qui devait être présentée en mai dernier. Signée Joe Jack et John, cette codiffusion permet « d’entrer, de façon poétique, dans la perception du monde d’une personne vivant avec un handicap intellectuel, qui a été victime d’abus ».
Avec une pensée pour le personnel de la santé, pour tous ceux qui ne pourront se rendre en salle cet automne et pour tous les artistes qui ne pourront pas travailler, Geoffrey Gaquère promet de faire en sorte que le plus de citoyens possible profitent des réflexions que les créateurs qui travaillent dans son antre du Centre-Sud soulèvent. « On souhaite rester présents pour les gens du quartier. Parce qu’ils le veulent, d’abord. Mais aussi parce que ça solidifie la mission d’Espace libre. Ça nous ancre dans les réalités du monde — et dans notre communauté. »
À voir en vidéo
August 31, 2020 at 09:00PM
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Du pain et du jeu - Le Devoir
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